Rose-Marie François

in La Revue Générale n°5, mai 2012
par France Bastia
Hamme-Mille, 2012

Rose-Marie François – L’Aubaine Luc Pire, coll. Le Grand Miroir, Bruxelles Comment résumer un roman d’une telle richesse et d’une telle profondeur ? Pour le fond comme pour la forme, il s’apparente à un puzzle dont le lecteur ne disposerait au départ ni de l’image entière, sur laquelle peuvent habituellement se baser les amateurs de puzzles, ni même de l’ensemble des pièces, que l’auteur, avec un art consommé, ne lui dispensera que peu à peu, de chapitre en chapitre. L’aubaine, c’est une mosaïque qui, du début à la fin, se développe dans tous les sens, y compris en profondeur, une mosaïque en trois dimensions en quelque sorte, les confidences personnelles de chaque personnage, qui parfois alternent au cours d’un même chapitre, y ajoutant leur épaisseur d’ombre, de questions, de mystère. Car il n’en manque pas, du mystère, des questions et des problèmes au sein de cette famille qui s’apprête à fêter l’anniversaire d’un des leurs dans une maison louée pour la circonstance quelque part en Alsace, mais qu’un décès inattendu va soudain frapper (au deuxième chapitre). Comment n’en irait-il pas ainsi dans une famille recomposée où la deuxième femme du père n’a jamais été acceptée par les enfants de la première ? Une famille dont une grand-mère était d’origine juive, alors que d’autres membres, officiers dans la marine allemande, ont servi leur pays sous et malgré le nazisme pendant la guerre ; qu’un enfant de la famille est mort accidentellement il y a bien des années et qu’ils sont plusieurs à continuer à s’en sentir responsables… Et le sourd sentiment de regret ou de culpabilité des uns et des autres, que l’on ne perce que peu à peu au fil des années, des évènements et… des chapitres, frappe tour à tour trois générations… Paix, résilience et vie seront-elles au bout des chemins ? Un livre qui aborde des questions essentielles et universelles dont nulle n’était peut-être mieux à même de parler que l’Européenne Rose-Marie François, poète, philologue, romancière, traductrice, rhapsode, qui a enseigné aux universités de Liège, de Lund (Suède), de Lettonie (à Riga), dont elle est docteur honoris causa, une femme hors du commun et un livre qui l’est tout autant. France Bastia (La Revue Générale, n°5, mai 2012)